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Lors d’une soirée mondaine, Alice est présentée à son fiancé (le fils de Lord Ascot) devant une foule d’invités, se retrouvant de fait un peu piégée. S’enfuyant avec le Lapin Blanc, elle retourne au Pays des Merveilles, qui a bien changé depuis sa dernière visite quand elle était jeune: devenu inquiétant et sombre, il vit sous la terreur du monstre Bredoulocheux lancé par la Reine Rouge. S’associant avec divers personnages, dont le Chapelier Toqué (avec qui on lui prête une amourette, paraît-il), Alice aura fort à faire pour tuer le monstre et libérer ce monde de la tyrannie de la méchante Reine, et libérer au passage la Reine Blanche. (Wikipedia)
Publié en 1865, Alice au pays des merveilles de Lewis Carroll connaît très tôt les faveurs de l’écran. En 1903, une première version muette est réalisée par Cecil Hepworth, suivie trente ans plus tard d’une seconde adaptation, en couleurs cette fois, des œuvres de Norman Z. McLeod. En 1951, les studios Disney reprennent à leur compte le roman du révérend anglais et le transposent dans un dessin animé qui conditionne les versions futures. Plus de cinquante ans plus tard, l’excentrique Tim Burton, toujours pour le compte de la production Disney avec laquelle il est sous contrat pour deux films, porte ce classique de la littérature enfantine à l’écran, cinq années après avoir immortalisé le best-seller de la littérature de jeunesse, Charlie et la Chocolaterie.
Désireux de rester fidèle à l’esprit de l’œuvre de Carroll, Burton emprunte autant à Alice au pays des merveilles qu’à sa suite romanesque, De l’autre côté du miroir. Pour l’heure, annonçant la métamorphose de la chenille bleue, le cinéaste opte pour une Alice aux portes de l’âge adulte qui, à l’image de son géniteur cinématographique, lutte contre le conformisme que lui imposent ses pairs. Pour échapper aux ronds de jambes de ses contemporains aristocrates, Alice suit le lapin blanc et plonge dans le terrier à sa suite, se retrouvant plongée pour la seconde fois dans le Pays des merveilles. En quête d’identité (est-elle la véritable Alice ?), la jeune femme traverse cet univers merveilleux peuplé de créatures fabuleuses afin de s’affirmer en tant que femme et de retrouver sa « plussoyance ». En filigrane de cette énième adaptation des romans de Carroll se dessine une fable d’un classicisme déconcertant qui traite de l’émancipation de la femme à travers le personnage d’Alice qui, en pleine période de transition, s’oppose aux règles séculaires de la société ploutocrate dans laquelle elle se sclérose. Ce non-conformisme trouve un pendant plutôt convaincant dans le monde à la fois ténébreux et lumineux, gothique et excentrique dépeint par Burton qui se montre fidèle à la noirceur baignant les écrits de Carroll.
Reconnu et acclamé pour ses prouesses visuelles, Burton s’illustre pour la première fois dans le domaine de la 3D qui a acquis depuis quelques années une nouvelle dimension. La nécessité de son
utilisation ne semble cependant pas capitale, la stéréoscopie étant plus volontiers utilisée comme gimmick supplémentaire au mélange des animations et de prises de vue réelles. En effet, cette dichotomie formelle (pendant de celle symbolique de l’entièreté du métrage) suffit à entraîner le spectateur dans ce monde onirique si exotique (et par essence étrange) qu’il semble situé au croisement exact du rêve et du cauchemar. Les personnages entretiennent d’ailleurs la folie ambiante qui baigne Alice au pays des merveilles : de la reine rouge au crâne disproportionné et aux hurlements suraigus (Helena Bonham Carter surcharge son interprétation) au farfelu Chapelier campé par un Johnny Depp qui cabotine comme un beau diable, en passant par le machiavélique suppôt de la reine (Crispin Glover, le plus convainquant du métrage), toutes ces incarnations prolongent le surréalisme de cette bande qui a tendance à s’essouffler sur la durée et à ne plus faire complètement illusion.
En adoptant un angle original, Burton permet la redécouverte du royaume onirique de Lewis Carroll qui se voit souvent noyé dans l’esbrouffe visuelle du cinéaste qui sombre parfois dans l’excès et le tapage chromatique.
Voici donc que déboule sur nos écrans la très attendue plongée dans l’univers Carollien par l’homme aux cheveux fous (et aux idées folles), j’ai nommé Tim Burton. Une nouvelle adaptation qui est en quelque sorte le prolongement des deux bouquins écrits par Lewis Carroll (Alice au pays des merveilles et De l’autre côté du miroir, donc) où l’on retrouve une Alice désormais âgée de 19 ans qui est sur le point d’épouser un lord. Mais la jeune femme n’est pas encore prête à franchir le pas, et elle va plutôt mettre une fois de plus les pieds dans le terrier du Lapin blanc pour retrouver le monde fantastique de son enfance. Ses amis (Le Chapelier fou, La Chenille, Tweedledee & Tweedledum, etc. etc.) lui annoncent alors qu’elle va devoir affronter la Reine Rouge et son terrible Jabberwocky afin de mettre fin au règne de terreur dans le royaume.
Le titre du nouveau Burton aurait pu être « Alice au pays du numérique ». C’est que tout, absolument tout dans le film est numérisé : la moindre créature, le moindre animal et même les comédiens sont passés à la palette graphique (Alice grandit et rétrécit tout le long du métrage, La Reine Rouge a une tête disproportionnée,…). L’ensemble de ces effets sont dans l’ensemble réussis (Le Chat du Cheshire étant l’une des plus belles réussites de cette adaptation) mais hélas, l’ensemble nous laisse de marbre. Aucune émotion ne transparaît de cet amas d’effets numériques, et cette omniprésence d’artificialité nous fait ressentir le manque évident d’humanité de l’œuvre. Dépourvue d’un véritable souffle épique, les scènes s’enchaînent, guère rehaussées par une 3D anecdotique qui n’est au final qu’un argument commercial supplémentaire pour attirer les foules. Il est dès lors vivement conseillé d’opter pour une vision en version originale plutôt qu’en relief (le prix du ticket devrait vous en persuader sans mal), afin de profiter pleinement d’un casting vocal on ne peut plus luxueux. Signalons toutefois que la participation de Christopher Lee dans le rôle du Jabberwocky se limite à la déclamation de deux phrases, ni plus ni moins. Une contribution à l’image de cette commande pour Disney : vite faite, bien faite.
Dépourvu d’âme, Alice au pays des merveilles version Tim Burton est une indéniable déception débordante d’effets numériques. La sensationnelle aventure épique tant attendue n’est pas au rendez-vous et l’on prie pour que le réalisateur d’Edward aux mains d’argent
revienne à l’avenir à des récits plus humbles et humains. Avec l’annonce du long métrage Frankenweenie ainsi que de la résurrection de La famille Addams en 3D, ça paraît mal barré. Burton est-il condamné à s’auto-parodier pour le reste de sa carrière ? Seul l’avenir nous le dira.
La première fois que j’ai entendu causer de ce film, c’était au volant de ma caisse, en allant au turbin, avec l’auto-radio réglé sur France Culture : "... bah, c’est que du CGI.. y-a rien.. toute la poésie de l’oeuvre de Lewis passe à la trappe.. et patati et patata...". Bigre. Et puis voila-ti pas que je finis par voir le film en question.. et alors quoi ? Ben oui, Burton trouve dans Lewis le prétexte à créer un merveilleux voyage burtonien en CGI. En regardant la mouture, j’aimerais avoir dix ans. Tout simplement. Alors oui, ce n’est qu’un petit Burton pour les grands. Mais c’est un grand divertissement pour les petits. Bref, le bonhomme est capable de faire de la poésie avec tout.