Cinemafantastique vous propose une critique jeune des films les plus vieux au plus récents traitant du fantastique dans sa globalité. Horreur, gore, fantômes ...
Gina McVey assiste avec sa famille au dîner d'anniversaire de son père lorsqu'un miroir se décroche du mur et se fracasse sur le sol. Lorsque Gina évoque les sept ans de malheur promis par la superstition, personne ne rit... Le lendemain, dans une rue de Londres, Gina s'aperçoit au volant de sa propre voiture. Stupéfaite, elle suit cette étrange apparition jusqu'à son appartement... Le même jour, Gina est victime d'un violent accident de la circulation qui l'empêche de se souvenir avec exactitude de ce qui s'est passé un peu plus tôt dans la journée... Peu à peu, elle va alors rassembler les pièces du puzzle, et découvrir ce qu'elle n'aurait jamais pu imaginer..
Après Cashback, premier long métrage nostalgique et bancal, Sean Ellis se dirige vers ce à quoi il semblait déjà tendre lors de cette première expérience : le genre fantastique. Le réalisateur dépeint ici le quotidien d’êtres en mal de vivre qui sont happés un à un par les miroirs et remplacés par des doubles d’origine inconnue.
Le thème des doubles n’est pas des plus originaux. De nombreuses
variations sur le thème dans le domaine fantastique ont vu le jour. Pensons à l’excellent Faux semblants de Cronenberg (avec un Jeremy Irons terrifiant) ou encore au bon Trouble d’Harry Cleven. Laissant tomber la chronique post-adolescente pour l’inquiétante étrangeté, Ellis n’en garde pas moins ce qui fut la force incontestée de son premier métrage, à savoir le spleen débordant et la photographie expositive et mélancolique.
En réalité, The broken se rapproche davantage des écrits baudelairiens que d’un quelconque produit cinématographique existant. Le découpage chirurgical des mots dans la poésie de Baudelaire donne lieu à une mise en scène épurée empreinte d’une exposition de tous les instants. Sauf que, au contraire des descriptions flagorneuses de cinéastes qui les utilisent pour éviter d’avouer qu’ils n’ont rien à dire, Ellis les utilise avec sobriété pour appuyer davantage la représentation de cette Londres nostalgique hantée par des ombres qui déambulent dans un décor d’une tristesse sans pareille.
Tristesse, nostalgie, mélancolie : le métrage n’en est pas pour autant une invitation au suicide. Il se présente comme un modèle d’anéantissement humain par la perte de l’identité. A tel point qu’on est en fin de compte en droit de se poser la question suivante : ne vaut-il pas mieux finalement se laisser remplacer par ces ersatz déshumanisés comme nous-mêmes ? The broken aurait certainement eu de quoi charmer les existentialistes qui déboulèrent au lendemain de la seconde guerre mondiale et cherchaient un but à leur vie afin d’échapper à l’enfer du quotidien nihiliste.
Poétique et rudement bien ficelé, The broken offre un regard neuf sur le thème des doubles et un regard réaliste sur la morosité de l’existence humaine. C’est profond, c’est dramatique, c’est intellectuel mais ça fout un bon coup de pied là où il faut…