Cinemafantastique vous propose une critique jeune des films les plus vieux au plus récents traitant du fantastique dans sa globalité. Horreur, gore, fantômes ...
Mindanao (Philippines) : Robert Harper et son équipe américano-philippine (de laquelle Rolf, un anthropologue, fait partie) prospectent du pétrole mais tombent entre les mains de cannibales primitifs vivant dans une jungle hostile comme à lâ
Durant les seventies et les eighties, l’Italie s’est autoproclamée à juste titre berceau de l’horreur, reprenant le flambeau de l’Angleterre où les firmes Hammer et Amicus viennent de mourir doucement. Les Italiens font leurs premières armes dans le giallo et vont toucher à un nombre incalculables de genres bien distincts comme la science-fiction, le slasher ou encore les zombie movies. Au sein de ces productions hétéroclites naît une véritable mode pour les « films de jungle » dans lesquels évoluent volontiers des tribus de cannibales amoureux de tripes et de sang.
Avant d’arriver à des œuvres ultimes applaudies par des générations d’idoles de ces hommes de petite taille qui ne lésinent pas lorsqu’il s’agit de dévorer tout cru un explorateur anglais ou un cuisinier javanais
comme Cannibal holocaust (du même réal) ou Cannibal ferox, il y eut une période moins gore et davantage portée sur le fonctionnement et les rites de ces tribus. Ainsi, Le Dernier monde cannibale ne peut réellement être comparé à ces films plus trashs qui se plaisent à mettre en avant des corps décharnés aux boyaux à l’air. Si horreur il y a, elle est davantage latente dans un premier temps pour n’éclater qu’en toute fin de métrage dans une mesure très relative (un bon petit gueuleton dont vous me direz des nouvelles).
En véritable explorateur documentaire, Deodato déplace ses propos pour s’intéresser davantage aux rites et coutumes de cette tribu de cannibales (qui ne le sont qu’à leurs heures perdues). Les repas des indigènes voraces se substituent aux conditions de détention du pauvre Robert Harper dont le calvaire nous est hardiment montré. Affamé, déshydraté, le pauvre bougre est torturé aussi bien physiquement (l’épreuve de l’envol) que psychologiquement (lorsqu’il se fait uriner dessus). Un calvaire retranscrit de bien belle manière par Ruggero qui n’hésite pas à rendre sa caméra subjective afin de nous plonger dans les pensées de son personnage central.
Bien plus, le maestro se fait même le porteur d’un message sociologique voire anthropologique, nous dépeignant assez efficacement le mode de vie de ces tribus primitives, confinées au statut d’hommes préhistoriques. Recourant aux allusions claires (les découpages d’animaux) ou allégoriques (emprisonnement de l’homme oiseau avec l’oiseau magique), Deodato étonne par la qualité des propos utilisés et par son savoir-faire technique (les recours corrects aux imageries animalières si peu réussis dans des tas de films sur le thème) pour mettre l’ensemble en équilibre. C’est précisément cet aspect épistémologique et anthropologique qui est le plus intéressant de l’œuvre, rompant avec le mythe du bon sauvage et ses dérives rousseauistes (une thèse qu’il soutiendra à nouveau, de manière plus
tacite puisqu’incomprise par beaucoup, dans son Cannibal holocaust).
Fort d’un certain suspense et d’une tension généralement suggérés et non montrés, Le dernier monde cannibale comporte son lot d’imperfections, se faisant le témoin du talent grandissant mais perfectible du réalisateur qui fera encore du chemin avant son œuvre suprême. Le rythme du récit est considérablement déséquilibré par une deuxième partie plus artistique, plus descriptive et moins narrative. Un changement de rythme qui nuit à l’ensemble puisqu’il emmène avec lui une différence de ton dans les propos et de reflet pictural, donnant l’impression que le film se fige par moments, symbole des œuvres qui n’ont pas grand-chose à dire (ce qui n’est bien entendu pas le cas ici). Dans le même ordre d’idée mais a contrario de ce qui vient d’être pointé du doigt, la scène finale est quant à elle trop rapidement expédiée, ne donnant suite à l’intrigue qui vient d’être parcourue.
En conclusion, Le dernier monde cannibale est à voir en prémisses des œuvres futures, davantage ancrées dans la violence et dans la monstration. Un film qui déplaira aux néophytes mais qui agrémentera la soif de connaissances des experts en cinéma horrifique.
Incontestablement le meilleur film du réalisateur, bien meilleur que son surestimé "Cannibal holocaust", ou encore que "Cannibal ferox", 2 films aux réalisations douteuses.
Un véritable suspense et une approche psychologique rare dans ce genre de film, un choc des cultures d’une peu commune intensité, amplifiée par une excellente interprétation.