Cinemafantastique vous propose une critique jeune des films les plus vieux au plus récents traitant du fantastique dans sa globalité. Horreur, gore, fantômes ...
Largué par sa petite amie, John fait la connaissance de ses deux jolies voisines. Leur amitié prend soudain un sens étrange lorsque l'une d'entre elles l'entraîne dans leur grand appartement. John pénètre alors dans un monde effrayant où il est difficile de distinguer la réalité des illusions.
Après s’être illustré avec Junk Mail et Amatorene (toujours inédit sur le marché de la vidéo), le réalisateur danois Pal Sletaune signe avec Next door son troisième long-métrage et impose définitivement un style qui lui est propre, situé quelque part entre les univers de Lynch, Kafka et von Trier. A l’instar de sa précédente pellicule, le cinéaste opte pour un héros masculin fragilisé par l’abandon de l’être cher et enclin à basculer dans l’aliénation. Larvée sous une importante couche de sarcasmes dans son dernier métrage, celle-ci se voit désormais plus dramatisée.
John, peu de temps après que sa petite amie est venue récupérer ses affaires chez lui, croise Anne et Kim, ses voisines de palier, qui l’invitent dans leur appartement. Sur place, il est déstabilisé par les questions embarrassantes et énigmatiques que lui posent les deux femmes et par les allusions à sa relation avec Ingrid, son ex-compagne. Le lendemain, alors qu’il rentre chez lui, John répond favorablement à la demande d’Anne de rester auprès de Kim pendant qu’elle part à la pharmacie. Mais, plus il s’enfonce dans l’appartement pour y retrouver Kim, plus il se rapproche d’un inexorable destin…
En adoptant une structure narrative étriquée (quatre personnages et un lieu quasiment unique), Sletaune opte pour des restrictions proches de celles du théâtre qu’il s’ingénie ensuite à travailler afin de leur donner une consistance plus malléable. Refaçonnant les règles, anéantissant les contraintes, le cinéaste édifie un espace scénique à géométrie variable qui ne répond plus s’affranchit de tout principe physique : les personnages laissés hors-champs envahissent finalement le récit, les contraintes matérielles s’évanouissent (le meuble massif glisse avec une aisance déconcertante), les lieux s’allongent ou se rétractent, les portes apparaissent et disparaissent. Dans un monde amputé de tous repères, le héros se redécouvre physiquement, mentalement et sexuellement au travers du prisme de la violence (qui devient la condition sine qua non de la jouissance) et du mensonge (une déviation obligatoire qui est doublement à l’origine de tout le récit et, à nouveau, en étroit rapport avec les rapports intimes), nouvelles balises d’une réalité alternative qu’il
s’est lui-même construite. Très proche de la Caroline du Répulsion de Roman Polanski, le héros, violeur autant que violé, découvre dans le capharnaüm de l’appartement qu’il hante un retentissement de sa propre névrose. Sletaune assujettit ainsi les twists mal ficelés et surexplicatifs aux torsions intelligentes, traitées avec une ambivalence volontaire qui déstructure l’histoire et la décompose en autant de lectures potentielles.
Et d’ici à là , le cinéaste crée une vraie expérience sensitive, tant visuelle (les tons pâlots des murs dépouillés) qu’auditive (le score du vétéran Boswell, proche de ceux d’Hermann), qui draine patiemment le spectateur vers la confusion la plus totale, apothéose de l’aliénation sensorielle offerte par ce cauchemar sur pellicule.
Maîtrise de l’énigme jusqu’au bout..
Un de ces très bons films qui passent discrètement car il ne sont pas au devant de la scène et mériteraient que l’on en parle plus.