Cinemafantastique vous propose une critique jeune des films les plus vieux au plus récents traitant du fantastique dans sa globalité. Horreur, gore, fantômes ...
Un étrange personnage a élu domicile dans l’auberge d’un petit village de la campagne anglaise. Aucune partie de son corps n’est visible : il porte des gants, son visage est recouvert de bandelettes, des lunettes noires cachent ses yeux. Il s’agit d’un jeune savant, Jack Griffin, qui poursuit en secret des recherches sur l’invisibilité. Les villageois craintifs, accompagnés d’un policier, font irruption dans la chambre de l’étranger. Celui-ci déroule alors ses bandelettes, quitte ses vêtements et disparaît à la vue de tous …
L’homme invisible, roman de H.G. Wells, a de tout temps inspiré les réalisateurs. De Abbott et Costello rencontrent l’homme invisible (Charles Lamont, 1951) aux Mémoires d’un homme invisible (Carpenter, 1992) en passant par El Hombre que logró ser invisible (Alfredo B. Crevenna, 1958), tout le petit monde du fantastique s’est pris de passion pour les aventures du scientifique rendu transparent et les variations
sur le sujet se sont multipliées (pensons à la singulière expérience proposée par L’homme sans ombre de Verhoeven). Mais, si une seule des adaptations était à retenir, ce serait sans aucun doute la première, L’homme invisible du grandissime James Whale, en 1933. Le réalisateur de Frankenstein a en effet marqué d’une empreinte indélébile les aventures du héros créé par Wells.
Naviguant entre humour et terreur, Whale parvient à tirer le meilleur de la situation. En nous pilonnant directement avec des dialogues particulièrement drôles et des personnages aux gestes aussi théâtraux que ridicules, le réalisateur place la barre très haut au point de vue humour. Tout ceci fait que le film acquiert bien vite une ambiance sympathique et que l’on s’attache au protagoniste principal, Griffin, héros malheureux de ses expériences qui l’ont rendu à moitié fou. C’est d’ailleurs cette folie que Whale décide de développer dans la deuxième partie de son film.
Tout en restant amusant, l’ensemble se dirige alors vers de véritables moments savoureux de terreur où l’homme invisible menace ses amis et tue de pauvres gens. Assoiffé de pouvoir, Griffin ne retient que la violence pour arriver à ses fins, une violence qui est la plupart du temps suggérée ou encore tournée en dérision (les policiers sont mis à nus ou encore lancés par les pieds) mais quelques scènes, comme l’accident de train, sont d’un réalisme à couper le
souffle.
La mise en scène exceptionnelle de l’ensemble force l’admiration et le rythme instauré par Whale ne faiblit jamais jusqu’à un final émouvant. Néanmoins, là où le réalisateur marque le plus de points, c’est au niveau des effets spéciaux. Ceux-ci sont tout bonnement époustouflants compte tenu de l’époque à laquelle a été tourné le film. Voir un pyjama se coucher seul ou des assiettes entrer en mouvement sans aide extérieure a quelque chose d’anachronique qui suscite nombre d’interrogations sur les moyens utilisés.
L’homme invisible est bien plus qu’un chef-d’œuvre. Pour son époque, le film fait montre d’innovations tellement incroyables, qu’encore aujourd’hui, on a du mal à croire ce que l’on voit. Habile adaptation, le film de Whale est sans aucun doute une des œuvres majeures du vingtième siècle que tout cinéphile se doit d’avoir vu.