Cinemafantastique vous propose une critique jeune des films les plus vieux au plus récents traitant du fantastique dans sa globalité. Horreur, gore, fantômes ...
Née sous un ciel étoilé, Jupiter Jones est promise à un destin hors du commun. Devenue adulte, elle a la tête dans les étoiles, mais enchaîne les coups durs et n'a d'autre perspective que de gagner sa vie en nettoyant des toilettes. Ce n'est que lorsque Caine, ancien chasseur militaire génétiquement modifié, débarque sur Terre pour retrouver sa trace que Jupiter commence à entrevoir le destin qui l'attend depuis toujours : grâce à son empreinte génétique, elle doit bénéficier d'un héritage extraordinaire qui pourrait bien bouleverser l'équilibre du cosmos…
La sortie d’un Wachowski est toujours un événement. Andy et Lana font partie de ces réalisateurs qui, tout en gardant un style immédiatement reconnaissable, se lancent chaque fois de nouveaux défis. A la clé, des œuvres qui détonnent, au milieu du flot des films académiques. Mais, en repoussant toutes les limites, les démiurges de Matrix ont fini par tomber dans des excès qui nuisent à leur dernière création.
L’histoire débute aux portes des sanitaires, là où la jeune Jupiter Jones passe la plupart de ses journées à récurer des toilettes. Elle est très loin de s’imaginer qu’en l’espace de quelques jours, elle va devenir prétendante à un trône autrement plus glorieux, en tant qu’héritière d’une dynastie régnant sur l’univers. Avant d’avoir pu comprendre ce qui lui arrivait, elle manque de se faire tuer par des extra-terrestres, et ne doit sa survie qu’à l’intervention de Caine Wise, un chasseur renommé, venu d’une autre planète. Elle découvre alors l’existence de civilisations à l’architecture insoupçonnée, peuplées d’espèces plus bizarres les unes que les autres et lancées dans une guerre économique pour une ressource vitale. Si nous sommes aussi déconcertés qu’elle face à cette aventure, la surprise est en fin de compte beaucoup moins agréable pour nous.
L’étendue que les Wachowski veulent parcourir à bord de leur étrange vaisseau est tellement vaste qu’ils doivent activer le mode hyperespace en permanence, traversant ainsi de nombreuses galaxies du 7e Art et de nombreux genres, dont ils ne gardent que quelques traits. Quand la richesse se transforme en b(r)ouillon d’idées narratives et visuelles, l’ivresse laisse rapidement la place à la nausée. Le film manque de structure et de cohérence à tous les niveaux. C’est, paradoxalement, par l’ambition et l’enthousiasme de ses géniteurs qu’il pèche. Mélange des genres, Jupiter Ascending ne sait pas ce qu’il veut, navigant entre le conte moderne et le thriller politique. Alors il essaie de mêler les deux, sans y parvenir. On se retrouve, d’un côté, avec une héroïne trop passive, qui n’a d’autre rôle que de se faire enlever, avant que son prince charmant galactique ne vienne la sauver. De l’autre côté, le jeu de pouvoir entre les Abrasax se limite à une visite auprès de chaque membre de la fratrie, au gré de coups de théâtre et de trahisons assez nébuleux. L’enjeu pour lequel il se battent tous reste trop abstrait pour qu’on se sente impliqué (à aucun moment, on ne voit les clients de la « ressource », en-dehors des Abrasax). Les acteurs n’aident pas non plus, entre une Mila Kunis peu convaincante et un Eddie Redmayne bien décidé à imiter une grand-mère à chacune de ses interventions. On ne peut se consoler qu’au bras d’un Channing Tatum qui assure le show sans génie et d’un valeureux Sean Bean, égal à lui-même.
La conséquence, c’est que l’on ne croit pas du tout à la crédibilité de cet univers, ce qui nous empêche de nous laisser emporter comme on le devrait (et ce n’est pas faute d’avoir essayé). Visuellement, c’est extrêmement riche, c’est une explosion de couleurs, de décors et de créatures. Mais, une nouvelle fois, il n’est qu’un agrégat d’éléments vus et revus, entremêlés, comme si les Wachowski avaient voulu faire une démonstration de leur imagination, sur un mode encyclopédique. En résulte une impression de kitsch, comme si un film des années 80 était réalisé avec des moyens modernes. Après, tout est question de goût, mais certains personnages dégagent une telle impression de ridicule qu’il est difficile de les prendre au sérieux aux moments dramatiques. Une chose est sûre, c’est un choix conscient d’Andy et Lana, qui n’hésitent pas à changer de ton régulièrement, allant parfois jusqu’au burlesque.
Dès lors, on ne profite pas de ces scènes d’action pourtant formidables. Et c’est dommage. Quand Jupiter Ascending lâche les chevaux, ça dépote sévère ! Il commence sur les chapeaux de roue, avec une séquence sur terre hallucinante. A la fois bourrine et très fine, la mise en scène nous aspire dans une attraction spectaculaire, portée par la bande sonore grandiose de Michael Giacchino, capable, à elle seule, de nous faire planer ! Rarement un film a commencé de manière si puissante. Il faut rendre honneur à ces réalisateurs qui, depuis leurs débuts, renouvellent la façon de capter l’action
(et qui n’ont pas besoin de sur-découper leurs séquences pour les rendre passionnantes). D’autres scènes impressionnantes suivront, sans pour autant atteindre un tel niveau d’excellence. En fin de compte, on en vient à un drôle de constat : bien que le récit ne s’autorise que très peu de temps mort, le plaisir n’est que trop rarement au rendez-vous.
Il n’y a rien de plus triste que de devoir remettre un avis négatif à des artistes qui essaient manifestement de proposer quelque chose de différent. Mais en confondant ambition et excès (d’enthousiasme ?), les Wachowski ont créé un œuvre qui n’a pas d’âme, même si on ne doute pas qu’ils y ont mis toute leur envie. Quel gâchis…
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